« Un vacarme ahurissant, la peur omniprésente et la survie dans la boue, le froid, à se blottir contre le corps de ceux qui sont tombés, sous le bruit des balles, des obus que l’on entend plus »
Ce sont ces termes qu’il me reste, d’un lointain souvenir, de l’arrière-grand-père parti à la guerre, pour laissé dans les tranchées de Verdun ses plus belles années, plus une rouleuse à cigarette qui viendra en aide à des doigts emportés par le froid.
Son fils tout aussi patriote sera fait prisonnier, dès les premiers jours de la seconde. Un camp de travail duquel on s’échappe, puis un second, plus rude, que des années d’un dur labeur fermier ne permettront jamais d’oublier.
À sa retraite, je l’ai vu s’écrouler en pleurs dans les bras d’inconnus qui venaient de frapper à la porte de la ferme. Un regard aura suffi pour qu’il reconnaisse plus de quarante ans après ses frères d’armes. Ceux qui avaient enduré avec lui les mêmes tourments.
Mon père prendra malgré lui la relève, comme bon nombre de français pour partir en Afrique du Nord faire une guerre qu’il nous faudra des années pour comprendre. Mon frère, paix à son âme, major de l’armée de l’air vouera sa vie, sa carrière, au drapeau. Mon neveu souhaitera prendre le même chemin tout comme mon fils maintenant.
Qu’ont-ils eu tous ses hommes, de ma famille, d’autres nombreuses familles, qui parfois ont payé de lourds tributs pour se vouer corps et âme dans une guerre perpétuelle qui ne cesse finalement jamais ? Le patriotisme ? Faut-il être courageux, valeureux ? Ou simplement faire les choses parce qu’on nous le demande, pour défendre les nôtres ?
Et quand est-il de tous ceux qui ont payé de leurs vies le fait d’être révoltés, insoumis, Tziganes, homosexuel, juifs, résistants, francs-maçons, antinationaux, en laissant derrière eux le seul souvenir d’un triangle de couleur cousu sur la poitrine?
Vous souvenez-vous ? Qui se souvient ? Jusqu’à quand ?
Nous avons tous un devoir de mémoire. Non pas, pour ne pas oublier, car de nouveaux conflits, de nouvelles horreurs, en d’autres lieux, nous rappellent constamment que nous n’apprenons pas de l’histoire, mais que nous devons assumer. Assumer pour sensibiliser les générations futures, car cela s’est déroulé, ici.
Le dernier dimanche d’avril est chaque année dédié à la célébration de la mémoire des victimes de la déportation dans les camps de concentration et d’extermination nazis lors la Seconde Guerre mondiale. De nombreuses actions sont mises en œuvre par et avec les fondations ou associations de mémoire.
Mais cette année, je suis triste, triste, pour un village, mon village qui n’aura rien fait. Ou plutôt si, il aura juste balancé d’un revers de main ce fait historique pour le remiser au placard avec les autres sottises d’un maire inapte et dangereux pour qui je crains une mégalomanie délirante. Je pourrais ici le décrire avec tous les vilains mots qu’un avocat en quête de première affaire pourrait utiliser contre moi en diffamation. Je n’en ferais rien, bien entendu, car premièrement cela serait lui faire honneur que de les extirper d’où ils sont, croyez-le, bien ancrés. Deuxièmement, je préfère laisser le soin à ses valeureux ancêtres libères qui ont combattu pour beaucoup la dictature franquiste au point de devoir immigrer loin de leur terre, de le juger.
En tant qu’élu de la commune de Saint Genis des Fontaines, je tiens à exprimer tous mes regrets aux anciens combattants, aux déportés, aux associations et fondations pour l’impardonnable affront que nous leur avons fait en ce dimanche du 24 avril 2016.
Je tiens aussi à leur préciser que nous ne sommes pas tous, dans notre beau village, comme ce seul fautif qu’est le maire, et que pour bon nombre nous avons été de tout cœur avec l’ensemble des communes, responsables.
Je finirai en rappelant que même si je respecte plus que tout la fonction de premier magistrat, je déplore, aujourd’hui, une énième et incompréhensible pratique qui ne me laisse que mépris et dégoût.
Laurent Counord
Conseiller Municipal
Superbe.
bravo et merci
très beau texte. il décrit parfaitement ce qui a été, et le respect que nous devons garder, en souvenir. La deportation puis ce qui s’en suivit reste le summum de l’avilissement, de l’humiliation de la folie et de l’horreur. C’était criminel de ne rien faire. Bravo pour vos regrets et merci.
Deux grands-pères blesses l’un gazé qui mourra jeune un autre dont la jambe droite est emportée à moitié . Deux hommes ordinaires mariés et pères d’enfants en bas âges, deux hommes qui ne parlent jamais de ce qu’ils ont vécus. Deux hommes qui adressent des messages pudiques à leur épouse tentant de les rassurer. A l’époque personne ne voulait croire ce que ces hommes racontaient alors ils se sont tus.Une commémoration est simplement une réunion de personnes qui s’unissent pour se souvenir ensemble d’un évènement. Effectivement notre maire n’a peut être pas la même mémoire, en Allemagne d’après la rumeur, il a oublié de demander à son adjointe d’organiser un petit rassemblement, nous approchons du 8 mai, il y a beaucoup trop de rassemblement du souvenir, une gerbe déposée au pied du monument aux morts aurait été la moindre des choses et aurait fait taire une polémique qui n’a pas lieux d’être. Comme dans toutes les familles, nous avons eu des « travailleurs volontaires » expédiés dans les fermes allemandes, chez nous par contre nous avions notre héroïne, ma tante ,qui pendant les années d’occupation soignait, les résistants sous le Lion de Belfort à Paris et qui travaillait la journée à l’usine Panhard,elle a suivi les troupes de libération jusqu’en Allemagne. La mémoire s’entretient aussi par le récit de ses vies brisées au sein de chaque famille.
Sylvia Mion