Pourquoi le recyclage, à lui seul, ne va pas nous sauver du plastique

article de Julie Guesdon paru sur franceinter.fr – Lire l’article sur le site de l’auteur

ENQUÊTE – Bon marché, le plastique est présent partout dans notre quotidien. Il représente pourtant une catastrophe pour notre environnement et le seul recyclage ne va pas nous sortir de l’ornière. Car ce recyclage est très limité et que beaucoup de plastiques ne sont pas conçus pour être recyclés.

 

Le reyclage permet de régler en partie le problème de la pollution actuelle, mais il ne règle pas la question de la production de nouveaux plastiques et la pollution supplémentaire engendrée. © Radio France / Julien Mougnon

Quelque 200 000 tonnes de déchets plastiques sont éparpillés dans les océans de la planète. Depuis les années 1950, début de l’utilisation massive de plastiques, près de neuf milliards de tonnes ont été produites dans le monde, selon un rapport de l’ONU publié en 2018. En France, chaque année, nous achetons et consommons cinq millions de tonnes de plastiques qui sont loin d’être tous recyclés ensuite. La faute aux industriels ? Pas seulement.

Un recyclage insuffisant

Même en France, on est très loin de recycler 100 % des plastiques. Aujourd’hui, seulement 26 % des emballages ménagers sont recyclés, alors que les trois quarts d’entre eux ont bien été collectés lors des opérations de tri sélectif. Parmi les plastiques recyclés, ils n’étaient que 6 %, en 2014, à être réincorporés comme matière première dans la fabrication d’objets en plastique. Un faible résultat pointé du doigt par l’ONG ZeroWaste France, qui affirme aujourd’hui que les filières de recyclage des déchets plastiques ne sont pas suffisamment efficaces.

« Les industriels y travaillent » affirme Séverine Lèbre-Badré, directrice de communication chez Citeo, l’éco-organisme chargé de la collecte et du recyclage des emballages ménager. Elle rappelle que « 90 % des emballages » qui sont utilisés en France sont recyclables et peuvent être réutilisés ensuite, soit pour refaire des contenants, soit pour un autre usage.

Les emballages plastiques sont composés en majorité de cinq résines=
Les emballages plastiques sont composés en majorité de cinq résines= / Capture d’écran Citeo

Les flacons et bouteilles, par exemple, sont transformés en granulés pour être ensuite re-moulés et devenir de nouveaux contenants. Prochainement, précise Séverine Lèbre-Badré, « les pots de yaourt seront recyclés pour devenir des isolants utilisés dans le BTP »  ; les barquettes alimentaires deviendront quant à elles des mousses d’isolation.

Cependant, ce recyclage n’est pas infini. Contrairement au verre, au papier ou au métal, « les plastiques ne se biodégradent pas ». En revanche, « ils se désagrègent », explique Nathalie Gontard, chercheuse à l’Inra, invitée de la Tête au carré sur France Inter. 

Les plastiques se disloquent en particules de plus en plus fines, jusqu’à ne plus devenir filtrables et finissent par s’éparpiller dans la terre et dans les océans. La spécialiste de la lutte contre les emballages souligne par exemple le problème du plastique recyclé et utilisé comme textile : lavé, ce tissu va libérer des fibres qui vont être libérées dans l’environnement avec l’eau de lavage. In fine, les nano particules de plastique continueront à polluer la planète, malgré le recyclage.

Usage unique

Il faut aussi rappeler que les emballages ménagers ne sont pas les seuls à polluer la planète. L’éco-organisme Citeo précise que ces emballages ne représentent qu’un cinquième des plastiques utilisés en France. Les 80 % restants sont utilisés dans le bâtiment (20 %), pour les emballages industriels et commerciaux (20 %), dans l’électricité (6 %) et l’automobile (10 %), mais surtout dans l’équipement de loisir ou professionnel (24%), comme par exemple lorsque l’on achète des bacs en plastique rigide ou un ballon pour les enfants.

Les emballages ménagers ne représentent qu’un cinquième des plastiques utilisés en France

  • 24 % des plastiques en circulation depuis les années 50 concernent les loisirs, l’agriculture et autres équipements
  • 20 % sont des emballages ménagers
  • 20 % sont des emballages industriels et commerciaux
  • 20 % sont utilisés dans le BTP
  • 10 % concernent l’automobile
  • 6 % des plastiques sont utilisés pour nos appareils électriques et électroniques

Mais dans la famille des plastiques, les emballages ménagers ont le cycle d’utilisation le plus court : par exemple, l’emballage d’un sandwich peut être jeté dans les minutes qui suivent son achat en supermarché. Ils constituent aussi la pollution plastique la plus visible : si l’on n’aperçoit que rarement une fenêtre en PVC abandonnée sur un trottoir, nombreux sont en revanche les bouteilles de soda et autres emballages qui sont déposés dans la mauvaise poubelle ou jetés négligemment dans le caniveau. 

« Deux choses sont problématiques dans l’emballage plastique”, précise Jean-Charles Caudron, chef du service Produit et efficacité matière au sein de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie : « Le suremballage, d’une part, et l’abandon en dehors de tout point de collecte d’autre part, c’est-à-dire dans votre poubelle à déchets ou dans la nature. »

“Un emballage en plastique mis dans le bac de collecte sera très bien valorisé, sous forme de recyclage ou de combustion. Un emballage qui sera jeté dans l’environnement ne sera jamais valorisé.”

Valorisé ? Ce terme qu’utilisent les acteurs du plastique regroupe à la fois les opérations de recyclage mais aussi la combustion du plastique, jugée plus intéressante que l’enfouissement des déchets, parce qu’elle permet de produire de la chaleur. Elle est aussi moins néfaste pour l’environnement que l’enfouissement des plastiques dans le sol, où il faut des milliers d’années pour qu’ils se décomposent totalement, ou encore que la consigne, qui ne fonctionne bien qu’en circuits-courts et a été abandonnée en France au profit du tri sélectif.

Des plastiques encore mal conçus

Pour qu’ils soient recyclables, les produits plastiques sur le marché doivent être bien conçus. « C’est là où l’éco-conception a un fort rôle à jouer » explique Séverine Lèbre-Badré, « pour utiliser des produits qui conservent les qualités de conservation nécessaires tout en réfléchissant aussi au devenir du produit par la suite ».

Cette éco-conception écarte d’emblée les emballages et les contenants composés de plusieurs plastiques différents qui ne sont pas séparables facilement. Aujourd’hui, une fois les déchets collectés, ils sont acheminés en centre de tri où les plastiques sont triés grâce à des capteurs optiques qui identifient les différents types de plastiques en fonction de leur réfraction à la lumière et peuvent ainsi distinguer les plastiques souples, transparents, des plastiques opaques et/ou rigides.

Concevoir les objets plastiques en multipliant les couches de résines différentes rend donc impossible leur recyclage, sauf à passer, parfois, par un recyclage chimique qui n’est pas toujours très abouti.

Il existe aussi des plastiques conçus avec une seule résine mais dont la teinte pose problème. C’est le cas des barquettes alimentaires de couleur noire et prisées du marketing : elles permettent en effet d’exposer la viande tout en dissimulant le sang qui imprègne ces barquettes mais échappent aujourd’hui au cycle de tri car le noir est une couleur qui ne renvoie pas la lumière, pas suffisamment du moins, pour être détectés par les lecteurs optiques des centres de tri.

Une consigne de tri encore trop compliquée

« Il y  a un effort de sensibilisation et un effort d’équipement qui restent à faire » estime Jean-Charles Caudron. Pour récupérer les 25 % de plastiques encore jetés à la poubelle, la France vient de passer à une seconde phase dans la collecte des déchets ménagers en facilitant le geste de tri pour l’habitant. Désormais, près de 30 % des Français peuvent trier tous leurs emballages plastiques et cartons dans le même bac de collecte, sans différencier les bouteilles plastique des pots de yaourt ou des barquettes alimentaires.

Reste à œuvrer dans l’espace publique, où le tri demeure une exception« Le Français est plutôt un bon trieur quand il est chez lui, mais plutôt un mauvais trieur quand il est en vacances ou dans l’espace public » précise Jean-Charles Caudron, y compris dans les lieux tels que les gares où des bacs de collecte des déchets recyclables sont mis à disposition sans que cela soit respecté. Selon l’Observatoire du tri sélectif de Citeo, Paris et Marseille sont parmi les plus mauvais trieurs de France, un mauvais résultat qui s’explique par le mode de vie très mobile des citadins.

On peut donc aller vers une meilleure efficacité du recyclage, selon Citeo, à condition que les collectivités et les consommateurs jouent le jeu, car un quart des plastiques sont toujours jetés à la poubelle en 2019.

La meilleure façon de traiter ses déchets, c’est de ne pas en créer 

Au-delà des filières de recyclage mises en place, des efforts restent à faire auprès des consommateurs. Les Français sont par exemple de très mauvais élèves quand il s’agit de recycler les vêtements. « Composés de plastiques – les fameux polyesters – ils terminent fréquemment à la poubelle lorsqu’ils arrivés en fin de vie » a constaté l’Ademe. « Or, tous les vêtements et chaussures usagés doivent aller dans le bac de collecte des vêtements, y compris s’ils sont abîmés ou détériorés. Ces bacs de collecte ne sont pas réservés aux vêtements qui peuvent être encore portés », mais aussi à ceux qui sont abîmés et pourront être réutilisés en recyclerie ou triés pour que leur résine soit recyclée.

Il y a aussi une carte à jouer au niveau des achats. « Le meilleur geste pour éviter la pollution au plastique, c’est de ne pas en acheter » est une règle que s’imposent de plus en plus de Français. Achats en vrac, production fait maison, adapter ses achats à la taille de son foyer pour éviter de multiplier les contenants… Certes, ces pratiques permettent de ne plus introduire de nouveaux plastiques, mais développer encore et toujours le recyclage demeure essentiel pour dépolluer la planète des millions de tonnes de plastiques qui sont commercialisées depuis les années 1950.

#LePlastiqueNonMerci

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