Le combat pour l’école gratuite et laïque : Saint-Genis en 1880

Le 16 juin 1881, l’école devient gratuite. Mais bien avant cette date, le conseil municipal de notre village s’est déjà prononcé et mobilisé en faveur de cette avancée décisive.

Dès 1880, le conseil municipal de Saint-Genis se déclare en faveur de l’obligation, de la gratuité et de la laïcité de l’enseignement primaire. Si notre village possède un patrimoine religieux remarquable — en témoignent son cloître et son linteau —, force est de constater que ses élus ont su faire preuve d’audace et de modernité face à un clergé tout-puissant, soucieux de préserver ses prérogatives.

Parmi ces élus engagés, on retrouve :

• Jean Roux, maire du village — le même qui organisera les secours de juin 1885. Qualifié de « communard » par certains, il entretient des relations tendues avec Dom Costa, le curé, à cause d’une obscure querelle autour de la clé du clocher. À la fin de l’année 1880, une autre affaire le préoccupe : le mariage imminent de sa fille Justine avec Léon Garde, chef de fabrication à l’usine de Paullilles, prévu pour le 15 janvier prochain.

• Jean Abat, 37 ans, aubergiste du village, marié à Madeleine Prats. Ensemble, ils viennent d’accueillir leur quatrième enfant, une fille prénommée Margueritte.

• Jean Astich, adjoint au maire, espère quant à lui la naissance d’un fils. Son épouse, Élisabeth Tarrès, lui a déjà donné deux filles et est enceinte d’un troisième enfant.

• Joseph Baretge, cafetier à Saint-Genis, est une figure centrale du village. C’est dans son établissement que l’on se retrouve pour discuter de tout et de rien.

• Antoine Deleros, beau-frère du maire, fils de Justin Deleros et de Marianne Garcia — parents de la seconde épouse de Jean Roux, Marie Deleros. (Quelques années plus tard, Raymond Lopez accueillera lui aussi sa belle-sœur, Monique Masgrau, au sein du conseil municipal : l’histoire est un éternel recommencement.)

• Pierre Maniel, 54 ans, berger, a épousé en 1866 Thérèse Blay, veuve de Jean Grau. La famille Grau, d’origine espagnole pour une partie, compte parmi les plus nombreuses et les plus influentes financièrement du village. (Simon Grau, orphelin de 18 ans qui participe au sauvetage du 18 juin 1865, est issu de cette famille.)

• Enfin, Michel Ribes, dernier signataire, ancien gendarme de la marine en poste à Toulon, a épousé Marie Ribère en 1868. Fils de François Ribes et de Marie-Angélique Taix, il est également le cousin germain de Jean Abat.

Lettre aux conseils municipaux — Extrait :

Monsieur et cher concitoyen,

Nous désirerions clôturer, cette année, notre enquête en faveur de l’instruction primaire obligatoire, gratuite et laïque.

C’est là une question que nous considérons comme capitale, au point de vue du respect de la liberté de conscience, de l’union dans les familles et du relèvement national.

Les réponses affirmatives qui nous sont déjà parvenues de la part des conseils municipaux représentent au moins la moitié de la population de la France.

Signé :
Le Secrétaire général, Emmanuel Vauchez
Le Président, Jean Macé

À propos de Jean Macé :

Jean Macé, né le 22 août 1815 à Paris, est un pédagogue, enseignant, journaliste et homme politique français. Issu d’un milieu ouvrier et franc-maçon, il est l’un des fondateurs de la Ligue de l’enseignement, qui milite pour une éducation gratuite, universelle et laïque.

Sources : Enquête sur l’obligation, la gratuité et la laïcité de l’enseignement primaire / [par Jean Macé et Emmanuel Vauchez] ; Cercle parisien de la Ligue de l’enseignement | Gallica